En France, le nombre des aidants ne fait qu’augmenter et à ce jour, on considère que les aidants
familiaux ou les proches aidants sont entre 10 et 11 millions, qu’ils soient aidants de manière
régulière ou ponctuelle, alors qu’en 2008, l’INSEE estimait à 8 millions le nombre des aidants non
professionnels.
Un jour ou l’autre, toute personne peut devenir aidant de :
● sa mère
● son père
● son enfant
● ou tout autre membre de sa famille.
Mais qu’est-ce qu’un aidant ?
L’aidant familial se définit comme « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne.
Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs
formes, notamment :
● nursing
● soins
● accompagnement à l’éducation et à la vie sociale
● démarches administratives
● coordination
● vigilance permanente
● soutien psychologique
● communication
● activités domestiques… »
(définition donnée par la Charte Européenne de l’aidant familial de COFACE-Handicap et l’Union Nationale des Associations Familiales)
À travers des plans et des guides de recommandations qui se succèdent (principalement depuis
2015), les pouvoirs publics ont mis en place de nombreuses mesures pour soutenir les aidants non
professionnels et reconnaître leur existence, pourtant, souvent, ces aidants se sentent malmenés,
maltraités ou invisibles.
Mais dans quelles situations et par qui sont-ils malmenés ?
Les aidants malmenés face aux institutions
En premier, les aidants qui accompagnent un proche malade se trouvent face à des
institutions, aussi bien publiques que privées comme, par exemple :
● un EHPAD
● un hôpital
● un centre de rééducation ou de convalescence
● un CCAS
● la MDPH
● la CPAM
● la CAF…
Toutes ces institutions ont désormais des sites Internet de présentation à travers lesquels elles
présentent :
● leur projet respectif
● les valeurs qui les animent
● les équipes de professionnels
● les aides possibles
Sur les sites de certaines de ces institutions, la qualité des soins, de l’accueil, de l’hébergement ou de l’accompagnement est mise en avant.
La plupart des institutions ont vraiment une démarche qualité inscrite dans leur projet et forment leur personnel à cette démarche. Les aidants sont alors autant soutenus que les patients.
Pourtant, dans certaines institutions, quand l’aide devient nécessaire et indispensable,
l’aidant familial se retrouve souvent seul face à des institutions trop rigides.
Il est facile quand on devient aidant de se retrouver noyé devant de nombreux dossiers à remplir et le manque d’informations.
Certaines institutions ne diffusent pas aux aidants les aides possibles et les aidants ne les utilisent pas. Pour obtenir de l’aide, il semblerait nécessaire de savoir que ces offres de soutien existent. Les aidants, non professionnels pour la grande majorité d’entre eux, ignorent leurs droits.
De plus, pour obtenir une aide, les aidants ont l’obligation de remplir des dossiers et chaque aide correspond à un dossier différent qui demande du temps, de l’énergie et de nombreuses pièces justificatives à fournir. Aucun dossier de demande d’aide n’est uniformisé dans ces différents institutions.
Les dossiers d’aide sont ensuite traités au sein des institutions et le délai d’attente est long, très long parfois (6 mois de délai de réponse minimum actuellement pour une première demande auprès de la MDPH et la durée est la même pour la CAF)
Est-ce là le début de la maltraitance des aidants par les institutions ?
Les aidants malmenés face aux professionnels de santé ou sociaux
Certains professionnels de santé sont exceptionnels de bienveillance et de bientraitance
aussi bien pour le patient que pour les aidants.
La disponibilité des professionnels de santé et des services sociaux est indispensable. Ils jouent un rôle majeur aussi bien auprès des patients que des aidants non professionnels. L’engagement des professionnels de santé existe aussi bien dans les établissements de santé publics que privés et cela malgré la tension dans les différents services (manque de personnel, manque de lits, manque de moyens…).
Dès lors, certains professionnels de santé, à la limite de la rupture, ne sont plus en mesure de
se mobiliser et d’accompagner les aidants, de manière consciente ou inconsciente. Ils ne sont
plus capables de voir la souffrance des aidants, ils ne sont plus capables de répondre à la
souffrance des aidants.
Depuis plusieurs années, le patient a été mis au centre du parcours de santé, ce qui est très positif malgré encore de très nombreux dysfonctionnements. Un travail a été réellement réalisé pour une prise en charge globale de qualité et d’écoute du patient.
En revanche, il semble encore que des efforts doivent être faits pour écouter les aidants, juste considérés de temps en temps. La demande d’accompagnement des aidants familiaux est inaudible par certains professionnels de santé qui souvent se justifient par le manque de temps.
Les professionnels de santé ou des services sociaux ne doivent pas attendre que les aidants non professionnels viennent demander de l’aide, ils doivent eux être en capacité de les accompagner. Cette prise de conscience est très importante dans l’accompagnement.
Pour certains qui seront prestataires de services, payés par la CPAM ou le Conseil Départemental, les patients peuvent être une véritable mine d’or, mais ce n’est pas pour autant que le patient recevra des prestations de qualité.
Il apparaît également que l’absence de coopération entre les professionnels de santé et avec les professionnels est un véritable obstacle que doit surmonter l’aidant principal pour répondre aux besoins de la personne aidée.
Quand les dysfonctionnements sont mis en avant auprès de ces professionnels, que les réponses sont insuffisantes, inadaptées ou inexistantes et qu’un réajustement est demandé, certains professionnels seront capables de malmener l’aidant non professionnel :
● en menaçant d’arrêter les soins
● en culpabilisant l’aidant familial
● en limitant la communication et les informations…
Tous les aidants (aidant principal, familles, amis…) ont la possibilité de signaler les manquements de ces professionnels de santé auprès des institutions (Agence Régionale de Santé, CPAM, MDPH …).
Mais, quel est l’aidant qui le fera ?
Alors pour pallier les carences de certains professionnels dans leurs interventions, l’aidant principal va très souvent se substituer à eux pour essayer de faire face aux besoins de la personne aidée et devenir infirmier, auxiliaire de vie, aide-ménagère…
Les aidants malmenés face à la famille et aux amis
Face à un drame qui peut toucher n’importe quelle famille, chaque personne peut se retrouver aidant, par choix mais également par obligation.
Dans les familles, les liens peuvent se resserrer mais ils peuvent également se distendre en fonction du contexte et des attentes des membres d’une famille ou des amis. Certains membres de la famille seront plutôt passifs et d’autres intrusifs. Mais les liens familiaux seront souvent bouleversés.
Certains membres de la famille qui habitent loin (famille éclatée) pourront être à l’écoute de l’aidant principal et des liens qui semblaient distendus, peuvent se reconstruire.
Mais l’éloignement géographique ne permettra pas à la famille ou aux amis de se rendre compte de la maltraitance faite ou ressentie par l’aidant principal.
Souvent cet aidant ne dit pas tout, peut-être pour les protéger, peut-être pour ne pas être jugé ?
Certains proches, famille et amis, ceux qui n’ont pas accès au dossier médical, peuvent critiquer toutes les décisions prises aussi bien par le corps médical que par l’aidant principal.
Ils sont capables, pour faire plaisir au patient ou à eux-mêmes, d’aller à l’encontre d’une décision médicale. Certaines personnes ne peuvent pas s’investir et mettent en place des mécanismes de défense. Mais d’autres ne veulent pas s’investir.
En revanche, chaque aidant occasionnel peut être capable de critiquer toute décision prise par l’aidant principal (et même par le corps médical). Ces aidants, qui interviennent de manière occasionnelle,
peuvent être catégorisés par l’aidant principal comme des bien-pensants et consciemment ou inconsciemment, ils maltraitent, par leur jugement ou leurs actions, l’aidant principal, qui souvent est dans l’incapacité de répondre.
Dès lors, on peut se retrouver devant une crise familiale, pleine d’agressivité et de sentiments d’incompréhension.
L’aidant malmené face au patient
La relation aidant-aidé est très complexe. Souvent, l’aidant principal va tenter de répondre à tous les besoins du patient, y compris en se substituant aux professionnels de santé et aux institutions, mais il lui est impossible de répondre à tous les besoins.
Alors le patient, frustré, pourra répondre de manière différente à ce ressenti et quelquefois, le patient, qui est victime face à la maladie ou au handicap, se retournera contre l’aidant principal (celui qui sera le plus présent) et deviendra peut-être même son bourreau.
Une relation conflictuelle peut s’installer. En général, l’aidant non professionnel, qui devient la cible de la personne aidée, sera même capable d’excuser l’agressivité de celle-ci, voire de minimiser l’importance des évènements (agressions verbales ou physiques).
L’aidant face à lui-même
Très souvent, l’aidant principal va se sentir isolé, assez rapidement, du fait de la maladie du patient, du temps consacré à ce dernier et de la durée de l’accompagnement : isolement familial, social, professionnel…
L’aidant non professionnel se sent aussi, souvent coupable. Mais coupable de quoi et
pourquoi ?
L’aidant principal peut se sentir coupable de ne pas être à la hauteur puisqu’il ne peut pas répondre à tous les besoins du patient et une anxiété permanente risque de s’installer.
Très souvent, l’aidant principal va s’oublier et ne plus prendre le temps pour lui, jusqu’à l’épuisement. Cette souffrance individuelle, beaucoup d’aidants, la ressentent mais peu l’expriment par honte ou par peur du jugement de leur entourage (famille et amis), et ils gardent le silence face à ces difficultés.
De plus, il est important de rappeler que l’aidant principal peut se retrouver face à des difficultés financières liées :
● au coût de la prise en charge du patient
● à la perte de revenu possible (aménagement ou réduction de l’activité professionnelle)…
Généralement, l’aidant principal ressent de la honte et n’ose pas demander de l’aide aux différents services et principalement aux services sociaux. De plus, vis-à-vis de la famille, il est difficile pour l’aidant principal de parler des difficultés financières et il se retrouve confronté à ses propres limites.
Sans être capable de dépasser ce sentiment de honte, l’aidant principal, dont le rôle est majeur pour la personne aidée, se maltraite lui-même et il devient son propre bourreau.
Aider ses proches n’est pas une situation nouvelle mais la reconnaissance des aidants est loin d’être
réelle et sans doute, certaines situations doivent être encore plus dramatiques, notamment dans les
déserts médicaux. Difficile de savoir quelle est la place du ressenti et du factuel…
Chaque aidant se retrouve dans des situations complexes mais il apparait que quand tous les aidants, familiaux et professionnels, prennent le temps de s’écouter, il est possible de mieux gérer les situations et d’apporter une meilleure qualité de vie aux patients.
Aujourd’hui, la majorité des aidants non professionnels se sentent souvent malmenés et maltraités, voir invisibles.
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